La saga des Prés de Tilff

Question parlementaire du 27 décembre 2006

Question parlementaire du député ECOLO Bernard Wesphael au ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme, Benoît Lutgen :
L'avenir des Prés de Tilff.

Position d'ECOLO Esneux (décembre 2006)

La création des Prés de Tilff remonte aux années ’80, lorsque les trois partis de l’époque - PS, PRL et PSC – s’accordent pour établir un domaine récréatif sur le site du même nom. Les militants locaux d’Ecolo, pionniers d’un mouvement encore peu structuré et considéré, marquent d’emblée leur réticence sur ce projet. Leurs principales réserves ont trait à l’opportunité d’établir des constructions nouvelles dans le lit majeur de la rivière, ainsi qu’à la pertinence du concept d’une piscine à ciel ouvert. Il est évident en effet que celle-ci n’attirera le baigneur que de manière saisonnière, alors que deux infrastructures voisines, au Sart-Tilman et à Beaufays, sont couvertes, et donc accessibles toute l’année.

Superbement ignorées par les pouvoirs publics, les sombres prémonitions de ces « doux rêveurs d’écologistes » ne tarderont – hélas – pas à s’avérer… Plusieurs fois, le site des Prés de Tilff sera inondé. Les tableaux électriques commandant le système de régulation sophistiqué devront être entièrement remplacés, puis finalement déplacés.
Les pouvoirs publics assument... avec des deniers… publics, eux aussi.

Ajoutons à cela que les équipes d’animateurs qui se succèdent échouent systématiquement au périlleux exercice de l’équilibre des bilans. Une gestion privée finira par se substituer à la gestion publique, très impliquée et dévouée.

Irrité par deux nouveaux échecs, le ministre Serge Kubla évoque, en 2000, l’idée d’arrêter les frais et de restaurer le site, une éventualité d’ailleurs mentionnée lorsque la commune d’Esneux a mis une partie des terrains à disposition du premier projet. Il était convenu qu’il serait procédé à une remise du site dans son état sauvage d’origine, à charge de la Région wallonne.

Est-ce ce détail qui détermine la surprenante volte-face du ministre libéral ? Toujours est-il que l’on assiste alors à une relance du projet et des investissements. Cette « tentative de la dernière chance » est placée sous la houlette du bourgmestre libéral d’Aywaille, Philippe Dodrimont. L’administration communale d’Esneux rappelle tout de même qu’en cas d’échec, la remise en état des lieux restera à charge de la Région.

Et les années de passer, rythmées par une météo rarement clémente si l’on excepte l’été 2003. Le navire, dont le pilotage avait pourtant été entamé dans l’enthousiasme par les derniers gestionnaires, s’enfonce irrémédiablement. En novembre 2006, le Titanic tilffois prend eau de toute part. Les gestionnaires déposent les comptes et jettent le gant. Mais l’optimiste président du conseil d’administration promet une réouverture l’été prochain, quoi qu’il en coûte…

Pourquoi ce naufrage ?

Quel que soit le bout par lequel l’observateur doté d’un minimum de raison le prend, le dossier apparaît voué d’avance à l’échec.
Du point de vue économique, le concept d’une piscine saisonnière, dont les Prés de Tilff n’ont jamais pu vraiment sortir, n’est pas porteur.
Du point de vue social, n’est-il pas contestable de vouloir offrir à l’utilisateur un accès à l’eau qui lui coûte 15 €, soit aussi cher qu’aux thermes de Spa, sans compter la participation, supérieure à 3 euros, des pouvoirs publics dans le ticket d’entrée ?
Du point de vue écologique, enfin, il est tout à fait insupportable de prétendre maintenir, durant les périodes de non-utilisation, une piscine à ciel ouvert chauffée au mazout et exempte d’isolation thermique. Si la population qui a vu le film de Al Gore semble dans sa grande majorité s’être émue du message qu’il véhicule, le pouvoir politique wallon n’a par contre apparemment rien compris du drame écologique qui nous menace : qui nous protègera de la surdité de notre classe politique ?

Quel avenir pour les Prés de Tilff ?

La réponse à cette question appartient aux assemblées démocratiques qui constituent le conseil d’administration de l’asbl Les Prés de Tilff.
Mais manifestement, il n’est pas possible, pour la Région notamment, de « se débarrasser » aussi facilement des Prés de Tilff.

Est-il indispensable de nettoyer le site et le rendre à son état sauvage originel ?

La réponse à cette question ne supporte malheureusement aucune nuance raisonnable. Effectivement, c’est indispensable car le complexe est implanté dans le lit même de la rivière. A cet endroit devrait subsister une prairie alluviale propice à recevoir les crues de l’Ourthe et à modérer ainsi ses crues en aval, notamment du côté de l’avenue Neef, à Tilff.

Une telle décision est difficile à prendre, car elle suppose la reconnaissance, cruelle pour les partis signataires des accords, de leurs erreurs passées…

Les frais de cette remise en état des lieux seraient à charge de la Région, comme l’échevin Philippe Detroz a tenu à le rappeler au moment de la relance de la dernière chance, au nom du Collège communal d’Esneux en 2002.

Faut-il relancer le projet tel quel avec un autre gestionnaire privé ?

Ne pas tenir compte des leçons du passé porterait tout simplement le sceau d’une insigne stupidité…
En réalité, reconnaître que le fonctionnement du gestionnaire ne peut pas être équilibré induit
1. un financement de fonctionnement à un privé…
2. un subside de fonctionnement pour un projet sans réelle retombées économiques régionale, comme l’a signalé le président du SI de Tilff...
3. un subside qui accroît encore une production de CO2 évitable…

Remarque : la remise de la gestion à un exploitant privé s’est avérée plutôt plus dispendieuse encore que la gestion publique. La question n’est donc probablement pas de savoir si la gestion doit être privée ou publique, mais de pointer où le concept est en défaut !

Faut-il trouver au site un tout autre objectif ?

Vraisemblablement, mais cela nécessite que les pouvoirs publics fassent preuve de créativité et qu’ils analysent avec lucidité les besoins présents et pressentis à l’avenir. Délicat exercice en perspective pour des politiciens obnubilés par les prochaines élections…

Quelques chiffres

A titre indicatif, quelques chiffres qui font notamment l’impasse sur les dépenses intervenues de 1982 à 2000, époque où Ecolo n’a pratiquement pas eu accès à la gestion des Prés de Tilff.

Début des Prés de Tilff, 1982

750 000,00 €

Bilan 2000

passif de 63 000,00 €

Investissements 2001

58 000,00 €

Investissements 2002

886 000,00 €

Fonctionnements 2002, 2003, 2004

66 000,00 €

Investissements du gestionnaire en 2004

620 000,00 €

Total approximatif

2 443 000,00 €


Nombre d’entrées escomptés : de 30 000 à 70 000 par an.